HABITAT - L’habitat paléolithique

HABITAT - L’habitat paléolithique
HABITAT - L’habitat paléolithique

L’image de l’homme préhistorique survivant dans un milieu hostile et cherchant refuge dans les profondeurs des cavernes s’intègre au lot des idées reçues qui n’ont plus maintenant cours que dans les bandes dessinées ou les romans de fiction. Elle résulte du fait que la plupart des découvertes anciennes ont eu lieu dans les grottes, systématiquement explorées par les premiers préhistoriens. Le développement ultérieur des recherches a montré que non seulement l’homme s’était établi au-delà des rares régions susceptibles de lui fournir des abris naturels, mais aussi que, lorsqu’il avait pu profiter de celles-ci, il avait choisi de préférence l’entrée des grottes ou le pied des falaises qui, en fait, servaient seulement de «double toit» à sa véritable habitation. Compte tenu du mode de vie antérieur à la découverte de l’agriculture et de l’élevage, le choix des lieux d’habitat dépendait essentiellement des ressources offertes par l’environnement. L’idée de nomadisme est elle-même à revoir: dans les meilleures conditions, les ressources étaient suffisamment variées pour permettre une implantation permanente. Le plus souvent, les groupes humains se déplaçaient à l’intérieur d’un territoire donné et établissaient leur campement dans les régions susceptibles de leur assurer la subsistance durant une période précise du cycle annuel. Il arrivait en outre que des groupes plus restreints partent pendant quelques jours loin de leur camp de base, à la faveur d’une expédition de chasse. Établissements permanents, campements saisonniers et haltes de chasse, tels sont les types d’habitat que l’on distingue actuellement en fonction de la nature et de l’importance des dépôts archéologiques.

Il est probablement plus facile de reconstituer dans ses grandes lignes le mode de vie des hommes du Paléolithique que de connaître la forme de leurs habitations. En effet, dans la plupart des cas, il ne reste rien des superstructures qui devaient être en matériaux périssables (bois, peaux, écorces) et, si leur plan au sol a pu parfois se conserver, la nature de l’abri et a fortiori sa configuration au-dessus du sol ne peuvent être que supposées.

Pour déceler les traces éventuelles de ces habitats, l’unique méthode de fouille consiste à dégager le niveau archéologique sur de larges surfaces afin de restituer la morphologie du sol ancien et de retrouver dans leur position exacte les éléments qui s’y sont conservés. Les premiers grands décapages furent effectués par les préhistoriens soviétiques vers 1930, mais l’étude de l’habitat préhistorique ne s’est véritablement développée qu’une trentaine d’années plus tard grâce en particulier aux travaux de Leroi-Gourhan à Arcy-sur-Cure et à Pincevent en France. On applique désormais un peu partout dans le monde ses méthodes d’analyse rigoureuse de la répartition des vestiges, et les récentes
découvertes ont permis d’établir que l’édification d’abris artificiels était à peu près aussi ancienne que l’homme lui-même.

Le Paléolithique inférieur

Premier représentant connu du genre Homo , l’Homo habilis occupe entre 漣 3 et 漣 1,5 million d’années l’Afrique orientale puis australe. Il y chasse en petits groupes, et les restes de ses repas ont été découverts dans divers gisements, associés à un outillage sur galet. Actuellement, les traces les plus anciennes d’un aménagement de l’espace remontent à 1,8 million d’années: à Olduvai (Tanzanie), on a pu repérer une concentration de cailloux de basalte, groupés en petits tas et formant un cercle presque entier à l’intérieur duquel la surface était légèrement déprimée. Ailleurs, des concentrations de vestiges délimitent des aires circulaires d’environ 4 mètres de diamètre, vestiges probables d’abris temporaires. À Melka Kunturé (Éthiopie), dans des niveaux oldowayens vieux de 1,7 à 1,2 million d’années, on a également mis au jour, à proximité d’accumulations de pierres, d’os et d’outils, diverses aires dénudées d’environ 2,5 m de diamètre, qui peuvent correspondre à des emplacements d’habitation. L’une d’elles formait une plate-forme circulaire légèrement surélevée par rapport au sol environnant et comportant quelques groupes de deux ou trois pierres ayant pu servir à caler les poteaux d’une paroi. L’importance et la richesse des dépôts archéologiques de ce gisement permettent de suivre l’évolution des formes d’habitat jusqu’à la fin de l’Acheuléen. Durant l’Acheuléen ancien, entre 漣 1,2 et 0,7 million d’années, en dépit de l’évolution de l’équipement lithique, l’organisation de l’habitat reste la même que précédemment. Mais à partir de l’Acheuléen moyen, vers 漣 700 000 ans, l’homme (déjà Homo erectus ) quitte les larges plages de la rivière pour s’installer dans des chenaux plus encaissés. L’étude de la répartition et de la nature des vestiges révèle une spécialisation progressive des zones d’activités: le débitage de la pierre se fait à proximité des sources de matière première, le gros travail de boucherie, le dépeçage fin et le concassage des os pour en extraire la moelle ont lieu dans des zones distinctes de l’habitat. À l’Acheuléen récent, vers 漣 350 000 ans, le feu et l’ocre commencent à être utilisés; la surface du sol est parfois creusée de petites cuvettes d’environ 50 centimètres de diamètre: «aménagements fixes» qui deviendront plus nombreux au cours de l’Acheuléen final, vers 200 000 ans avant notre ère.

En Europe, l’homme est aussi certainement présent depuis plus d’un million d’années. Des restes d’occupation remontant à 漣 950 000 ans ont été retrouvés dans une petite salle de la grotte du Vallonnet (Alpes-Maritimes). L’organisation de l’espace y est des plus frustes: galets et éclats jonchent le sol, les plus gros os sont rejetés le long des parois. Il en est de même dans les sites de plein air, tel Isernia La Pileta (Italie), où l’outillage lithique est associé à des accumulations d’os de bison mais aussi de rhinocéros, d’éléphant ou d’ours.

Bien que certains auteurs fassent remonter l’origine du feu à plus d’1 million d’années en Afrique, et que l’on cite souvent les charbons de bois de la grotte de l’Escale (Bouches-du-Rhône), datés de la glaciation de Mindel (vers 漣 700 000 ans), les niveaux cendreux attribués à l’interglaciaire Mindel-Riss du gisementde Zhoukoudian (Chine), on considère désormais que la plupart de ces traces sont d’origine naturelle. Le caractère intentionnel et répétitif des combustions, dans des cuvettes aménagées sur des sols d’habitat, ne devient évident qu’à partir d’environ 漣 350 000-400 000 ans, en particulier en Europe: Vertesszöllös (Hongrie), Achenheim III (Alsace), Lunel-Viel (Hérault), Terra Amata (Alpes-Maritimes). Toutefois, certains sites contemporains et même plus tardifs n’en présentent encore aucun témoignage: c’est le cas, par exemple, à La Caune de l’Arago (Pyrénées-Orientales) ou en Italie à Castel di Guido ou à La Polledrara.

Dans la plupart des occupations de plein air ou de grotte de cette époque, les sols d’habitat ne montrent guère d’organisation structurée et la présence humaine n’est décelable, en dehors des foyers lorsqu’ils existent, que par l’association d’outils lithiques à des restes animaux plus ou moins épars.

Certains paraissent toutefois un peu plus organisés: à Bilzingsleben (Allemagne), un habitat de bord de lac a livré des structures plus ou moins circulaires composées de pierres et de gros ossements et associées à de beaux foyers ; à Terra Amata (Alpes-Maritimes), des constructions légères ont été implantées à plusieurs reprises sur le cordon littoral d’une plage vers 漣 380 000 ans. Des trous de piquet délimitent des espaces elliptiques dans lesquels ont été trouvés des petits foyers installés soit à même le sol, soit sur un dallage ou dans une cuvette.

Également située sur les rives d’une plage ancienne de la Méditerranée, la grotte du Lazaret a abrité pour un hiver des chasseurs de l’Acheuléen supérieur, il y a 150 000 ans. La répartition des vestiges au sol permet de délimiter une habitation de 11 mètres de long sur 3,5 m de large, au pied d’une des parois et à proximité du porche. Des cercles de pierres retrouvés à la périphérie paraissent avoir servi au blocage de perches verticales, probablement maintenues par des traverses horizontales qui prenaient appui sur la paroi rocheuse. Un cordon de pierres devait fixer au sol la couverture de peaux et la tente possédait deux accès. Les foyers de petite taille placés au pied du rocher ne semblent pas avoir été utilisés pour la cuisson des aliments, mais plutôt pour le chauffage et la lumière. L’absence, dans l’habitation, d’accumulations d’ossements et de déchets de débitage de la pierre s’explique peut-être par le fait que les principales activités avaient lieu à l’extérieur, devant le porche. La tente aurait alors été réservée exclusivement au repos.

Certains spécialistes estiment toutefois que les descriptions détaillées d’un habitat structuré dans lequel les sols auraient été régulièrement nettoyés, où les diverses aires d’activités intérieures et extérieures auraient été bien différenciées sont trop influencées par ce que l’on sait de l’agencement des habitats du Paléolithique supérieur. Ils considèrent que Homo erectus n’avait pas les mêmes comportements que Sapiens sapiens et expliquent la présence de bourrelets de pierre ou d’ossements par des causes naturelles ou par l’action des animaux. Les remplissages des grottes montrent, en effet, souvent une interstratification d’occupations humaines et animales. En dépit de ces réserves, la présence de foyers aménagés est la marque la plus tangible d’une conception nouvelle de l’organisation de l’espace à la fin du Paléolithique inférieur: le feu devient un pôle autour duquel vont se structurer peu à peu les activités, et sans doute aussi certains comportements (collecte du combustible, commensalisme, transmission du savoir).

Le Paléolithique moyen

Issus d’un long processus évolutif, l’Homo sapiens neandertalensis (qui s’éteindra sans descendance directe) et l’Homo sapiens fossile (ancêtre des hommes actuels) s’individualisent entre 漣 350 000 et 漣 100 000 ans. Le Paléolithique moyen est caractérisé par le développement de diverses cultures moustériennes au cours des phases I et II de la glaciation du Würm (de 漣 75 000 à 漣 35 000 ans). Dans le sud de la France, la rigueur croissante du climat semble avoir incité l’homme de Neandertal à préférer les grottes dès le début du Würm II. Est-ce également le froid qui a poussé les Moustériens d’Arcy-sur-Cure (Yonne) à s’installer dans une galerie profonde de la grotte du Renne où la lumière ne pénètre pas? Toujours est-il que cette galerie, qui avait été scellée par un bloc effondré au temps de l’occupation, a été retrouvée dans l’état même où elle avait été laissée il y a quelque 50 000 ans. Dans ce boyau étroit, la hauteur sous plafond ne dépasse pas 1,50 m, et les vestiges sont accumulés sur une dizaine de mètres carrés. Les plus gros d’entre eux étaient entassés le long des parois afin de ménager un espace central où des galets et des outils usagés furent abandonnés. D’autres petites cavités s’ouvrant sur la rivière ont également été occupées à cette époque et l’organisation y est tout aussi sommaire. Une seule d’entre elles contenait un petit foyer. Les structures construites reconnues sont rares en Europe occidentale: alignement de pierrailles fermant l’entrée de la cueva Morín (Espagne), murette abritant un arc de foyers au Pech-de-l’Azé (Dordogne). Mais deux types nouveaux d’habitation ont été mis en évidence dans des gisements de plein air situés plus à l’est. Une fosse d’habitation, légèrement creusée dans les lœss, a été étudiée à Rheindalen (Allemagne): quelques trous de poteaux cernaient la fosse à laquelle les occupants accédaient par un petit couloir. À Molodova (Ukraine), un épais bourrelet d’os de mammouth délimitait une aire ovale de 8 mètres sur 10 mètres, contenant de nombreux débris culinaires et une quinzaine de zones cendreuses réparties irrégulièrement sur le sol. Ce bourrelet correspond peut-être au soubassement d’une vaste hutte dont le toit avait une armature plus légère. Ces formes nouvelles d’abris connaîtront une large diffusion au Paléolithique supérieur en Europe orientale. À côté de ces habitats correspondant à des camps de base, les recherches récentes ont mis en évidence des sites d’abattage dans lesquels on retrouve, associés à un outillage lithique varié, d’abondants restes dépecés d’herbivores (aurochs, bison ou cheval), dont la viande et la moelle ont été consommées sur place à Mauran (Ariège), à La Borde (Lot).

Le Paléolithique supérieur

Vers 漣 35 000 ans, l’homme de Neandertal est définitivement remplacé par l’Homo sapiens dans toutes les régions du monde. Le Paléolithique supérieur se développe en Europe durant les deux dernières phases du Würm et se termine avec la fin de cette glaciation, aux environs de 10 000 ans avant notre ère. Si cette période est caractérisée par le développement d’un art extrêmement complexe et la diversification de l’outillage lithique et osseux, le mode de vie et la nature des habitats ne changent pas de façon fondamentale. Ce sont les établissements de plein air qui sont les mieux connus pour cette époque, avec en particulier les très riches gisements d’Europe orientale. D’après les plans au sol, il apparaît que l’unité d’habitation est souvent circulaire ou légèrement allongée et plus rarement quadrangulaire. Elle comporte souvent un foyer à l’intérieur, quelquefois deux ou trois, et l’ocre rouge, qui colore les sols, témoigne de pratiques esthétiques ou techniques intenses. Selon la nature des aménagements conservés, on distingue les habitations semi-souterraines, dont il reste les fosses creusées dans le sol, et les habitations édifiées au niveau du sol, qui sont de type varié.

Les habitations semi-souterraines se rencontrent surtout en ex-U.R.S.S. (Avdeevo, Gagarino, Kostienki, Malta...) et en ex-Tchécoslovaquie (Barca, Dolni Vestonice, Pavlov, Tibava...). La taille moyenne de leurs fosses varie entre 3 et 6 mètres de diamètre, et leur profondeur entre 0,40 et 1 mètre. Les parois en sont souvent légèrement évasées et, dans certains cas, doublées ou étayées par des empilements de pierres ou de grands os de mammouth. Les trous de poteaux retrouvés au fond de ces fosses, sur les bords ou au centre, indiquent qu’elles étaient couvertes d’un toit supporté par des éléments verticaux. Quelquefois, ce sont des défenses de mammouth qui ont servi à cet usage. Les fouilles n’ont pas toujours réussi à mettre en évidence les accès à ces fosses, et il n’est pas impossible que l’on y ait pénétré par le toit. Ce type d’installation offrait certainement une meilleure isolation thermique et avait l’avantage d’employer moins de bois pour construire la charpente du toit dans des zones où les arbres étaient rares. Cependant, l’excavation de plusieurs mètres cubes de terre devait nécessiter un effort important, compte tenu de l’équipement disponible à cette époque, et tout porte à croire que ces habitations étaient occupées au moins de façon semi-permanente.

La relative rareté du bois en milieu steppique semble également avoir été compensée par l’utilisation des grands os de mammouth chez les chasseurs d’Europe orientale, tout comme certains Eskimos utilisent aujourd’hui encore les os de baleine. Ces habitations à armature «lourde», édifiées au niveau du sol, sont connues plus particulièrement en Ukraine, à Mézine et à Mézhiritch. Il s’agit de huttes circulaires, d’environ 6 mètres de diamètre, dont le soubassement est constitué par un empilement de mandibules et de crânes de mammouths renforcé par des os longs plantés verticalement. Un remblai de terre en comblait les interstices. D’après les éléments retrouvés effondrés au centre des huttes, il semble que le toit était soutenu par une armature de bois et un entrelacement de bois de renne et de défenses de mammouth. Des peaux, elles-mêmes maintenues par d’autres grands os, recouvraient le tout. Deux plus grandes défenses, emboîtées au sommet dans un manchon d’ivoire, constituaient l’arceau de l’entrée. Des constructions aussi impressionnantes nécessitaient au moins une vingtaine de squelettes de mammouths, et il devait, ici encore, s’agir d’habitations semi-permanentes dans une région où les abris naturels faisaient défaut.

Dans d’autres cas, les huttes comportent un soubassement en dalles: banquettes circulaires et armatures en défenses de mammouth dans les niveaux chatelperroniens d’Arcy-sur-Cure (Yonne), cercle de dalles et superstructures en bois de renne à Malta (Sibérie); à Étiolles (Essonne), où l’os est mal conservé, le grand cercle de pierres entourant un foyer central témoigne peut-être de la même technique de construction.

Les autres formes d’habitation édifiées au niveau du sol correspondent à des structures plus légères: huttes faites de matériaux végétaux collectés sur place ou tentes de peaux cousues, aisément transportables lors des déplacements. Par leur nature même, le plan au sol de ces abris n’est pas toujours facile à déceler. Dans les meilleurs cas, on retrouve des implantations de poteaux ou les restes d’aménagements destinés à maintenir la couverture (bourrelets de pierres ou de terre); quelquefois, le plan se déduit de l’agencement interne de l’habitation lorsque des revêtements de galets délimitent l’aire couverte. Le plus souvent, c’est l’organisation des vestiges abandonnés sur le sol qui permet de retrouver l’emplacement de la tente. Ces structures légères, rapidement édifiées, sont
connues un peu partout en Europe et elles semblent avoir été adaptées à un mode de vie nécessitant des déplacements fréquents.

À côté de ces habitations unicellulaires, on trouve parfois des dispositifs plus grands comportant plusieurs foyers. Les exemples les plus connus et aussi les plus contestés ont été découverts en Russie et en Ukraine: à Kostienki I, on a mis au jour une aire d’habitat de 35 mètres sur 15 mètres au centre de laquelle neuf foyers étaient alignés; seize fosses de 1 à 6 mètres carrés bordaient sa périphérie. Le remarquable alignement des foyers impliquant une seule période d’occupation, on voulut y voir les restes d’une seule «maison longue» appartenant à une communauté de chasseurs de mammouths. L’ensemble aurait été protégé par une couverture de peaux soutenue par des poteaux de bois. La réalisation pratique d’un tel édifice est impossible à imaginer, d’autant qu’un seul trou de poteau a pu être mis en évidence sur la totalité de la surface. D’autres aires de ce type ont été retrouvées à Kostienki même et à Avdeevo, mais jusqu’ici leur véritable organisation n’a pas encore été comprise. Les habitations à trois foyers de Pushkari (Ukraine) et de Pincevent (Seine-et-Marne), de dimensions plus modestes, sont plus directement compréhensibles. Il a pu être démontré à Pincevent que la structure était constituée par la réunion de trois installations unicellulaires de part et d’autre des trois foyers. Les remontages entre les fragments d’outils cassés prouvent une circulation entre ces trois unités, avec une spécialisation des aires d’activité à l’intérieur de l’espace commun. La réalisation technique de ce genre d’habitation commune ne pose pas de véritable problème et il est probable qu’à Pushkari l’organisation était la même.

Dans ces habitations unicellulaires ou pluricellulaires, on trouve, outre les foyers de type varié, de petites fosses creusées dans le sol. Lorsqu’elles sont placées près des foyers, on leur attribue une fonction culinaire; les autres semblent avoir servi à conserver des aliments, de la matière première (ivoire, combustible...) ou des objets plus précieux, telles les petites statuettes féminines de Gönnersdorf (Allemagne). Ce type d’aménagement est particulièrement fréquent en Europe orientale.

La répartition des activités à l’intérieur de l’habitat n’est pas claire dans tous les cas, car les fouilles n’ont pas toujours été conduites avec le degré de précision souhaitable. À Malta (Sibérie), on a pu constater à deux reprises que les aiguilles, les alènes et les colliers ne se rencontraient pas dans les mêmes zones que les armes de chasse. L’interprétation d’un espace féminin opposé à un espace masculin n’est pas probante, car les exemples abondent dans le monde où la couture et la parure ne sont pas spécifiquement réservées aux femmes. L’analyse topographique effectuée à Pincevent aboutit à des conclusions peut-être plus modestes mais solidement étayées. Les décapages ont mis au jour dans les niveaux supérieurs une vingtaine d’unités d’habitation, dont le «territoire domestique» a pu être délimité grâce aux raccordements entre les pièces fragmentées (silex, os, pierres chauffées). L’organisation de l’espace paraît la même dans tous les cas: un foyer est placé à l’entrée d’une tente à plan légèrement elliptique dont le fond est libre de vestiges (couchette probable). L’activité domestique se concentre autour du foyer: c’est là que l’on préparait la nourriture et que l’on mangeait, c’est également à cet endroit que l’on travaillait le silex et le bois de renne. On trouve à l’extérieur un éventail de déchets qui se développe à partir du foyer: on évacuait dans cette zone les cendres froides et les fragments éclatés des pierres du foyer, les os fracturés et les résidus du débitage du silex. D’autres opérations avaient lieu à l’air libre (travail des peaux?) et de petits foyers étaient allumés à proximité. Les plans de liaison entre les objets montrent les aires de circulation et quelquefois des relations entre les unités d’habitation, ce qui permet de savoir si elles étaient contemporaines ou décalées dans le temps.

La détermination de la simultanéité d’occupation est en effet fondamentale pour dépasser l’analyse individuelle des seules structures; elle permet d’aborder la question des sociétés paléolithiques. C’est au Paléolithique supérieur qu’apparaissent, semble-t-il, les premiers témoignages d’une nouvelle forme d’organisation sociale. On trouve, en effet, à cette époque, dans les gisements de plein air, des groupements d’habitations qui suggèrent que plusieurs groupes familiaux ont établi leur campement au même endroit pendant un certain temps. La simultanéité d’occupation peut être déduite de l’organisation topographique des habitations, comme en Sibérie, à Malta, où celles-ci sont toutes orientées vers la rivière, et à Buret, où elles sont en ligne; mais l’existence d’un campement est beaucoup mieux prouvée lorsque sont mis en évidence des raccords entre les vestiges des diverses habitations (outils de silex et nucléus, dalles fracturées, éléments de carcasse d’un même animal, etc.). Souvent réalisés entre deux ou trois unités, comme en France, à Étiolles ou Marsangy ces raccords ont permis de prouver, à Pincevent, la simultanéité d’occupation d’une douzaine de structures d’habitat réparties sur plus de 4 000 mètres carrés. Au-delà du campement, ces relations révèlent des aspects du comportement social: chasse collective et partage du gibier, réalisation en commun de certaines activités techniques.

Si la fin des temps glaciaires en Europe n’entraîne pas de notables transformations dans la nature des habitats des hommes du Mésolithique, on assiste au Moyen-Orient à une évolution plus rapide. Dès 10 000 ans avant notre ère, les maisons-fosses du Natoufien (dont l’agencement n’est pas sans rappeler celui de certaines habitations du Paléolithique récent d’Europe orientale) s’organisent déjà en véritables villages permanents, dans lesquels la cueillette des céréales sauvages prend une importance croissante: premiers indices d’un changement total des rapports entre l’homme et le milieu.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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